Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XVI.

JEAN ET GERTRAUD

Gertraud était debout auprès de Jean ; ses mains se joignaient tombantes ; toute cette gaieté insoucieuse et vive, qui souriait naguère sur son charmant visage, avait disparu : une pâleur mate et uniforme remplaçait le joyeux vermillon de sa joue.

À ceux qui l’avaient vue dans la maison de son père, si alerte et si heureuse, il eût fallu plus d’un coup d’œil pour la reconnaître.

En ce moment, il semblait que des mois entiers, peut-être des années, avaient passé sur cette figure d’enfant ; elle était belle autant que jadis, mais sa beauté s’était transformée.

Au lieu de ce limpide et radieux regard, reflet charmant de bonheur et de jeunesse, sa prunelle avait comme un voile ; ses yeux ne riaient plus : ils se baissaient tristes et sévères.

Et tout le reste de sa personne avait changé, comme ses traits. Au lieu de son pas leste et bondissant, c’était maintenant une démarche lente ; sa taille souple s’affaissait ; son front s’inclinait sous un fardeau de douleur.

La souffrance est un fier niveau ! Ces pauvres filles que nous voyons trotter sur le pavé de Paris, ces petites ouvrières qui ont eu le malheur de défrayer, sous leur nom de grisettes, tant de romans pitoyables et tant