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CHAPITRE X.

DEUX DOCTEURS.

L’agent de change Léon de Laurens était couché sur son lit, pâle et les traits creusés par la souffrance. À son chevet s’asseyait son médecin ordinaire, M. Saulnier, jeune homme savant et de grande espérance, et le docteur José Mira, qui prêtait à son collègue l’appui de sa haute expérience.

Mira n’exerçait plus guère, mais il avait un nom presque illustre dans les sciences, et le jeune médecin eût accepté son aide avec gratitude, lors même qu’il ne se fût point agi d’un membre de la famille de Geldberg.

Depuis plus d’une heure, ils étaient en conférence sérieuse, examinant le malade et se communiquant leurs observations à voix basse.

Il y avait, dans le regard de Mira, tandis qu’il contemplait l’agent de change, une sorte d’intérêt inexplicable ; sa physionomie, dure et si froide d’ordinaire, peignait une sorte d’émotion.

Était-ce la préoccupation ordinaire, qui prend tout médecin en face d’un cas difficile ? ou n’était-ce point plutôt un instinctif retour sur lui-même ?

Mira souffrait, lui aussi, cruellement, et depuis bien des années !

La main qui clouait Léon de Laurens à ce lit d’agonie l’avait blessé lui-même, et cette blessure, si ancienne qu’elle fût, faisait encore saigner son cœur.