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Page:Féval - Le Jeu de la Mort, volume 1 - 1850.djvu/19

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PROLOGUE.

redevance sans réclamer jamais de diminution pour les plus mauvaises années, car ils savaient que leur demande serait repoussée. Mais, d’un autre côté, depuis l’an 1815, époque à laquelle le maitre du Ceuil était revenu habiter ses terres, il n’avait jamais songé à augmenter les baux, à l’exemple des propriétaires voisins. Il y avait compensation.

Le château ne brillait point par son hospitalité. Néanmoins, les jours d’inondation, la porte s’ouvrait pour tout le monde. Seulement, chacun devait apporter son pain et son lait.

Non pas qu’on refusât la nourriture à ceux qui avaient faim, mais on donnait évidemment à contre-cœur, et le pain de la grossière aumône est amer à la bouche du paysan breton.

Dans le pays, Jean Créhu était surtout connu sous le nom de Jean de la Mer. Ce sobriquet rappelait la source de son immense fortune. Jean Créhu était le fils d’un pauvre gentillâtre de Vitré, lequel avait vendu tous ses biens pièce à pièce ; il mourut pauvre, non point au château du Ceuil, qui n’avait jamais appartenu à la famille, non pas même à l’hôtel de la Saulays qu’il avait aliéné pour vivre, mais bien dans quelque bouchon ignoré, car il aimait le cidre outre mesure.