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Page:Féval - Le Jeu de la Mort, volume 1 - 1850.djvu/20

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LE JEU DE LA MORT.

Son fils n’imita point son exemple. Il se fit corsaire en 1792, et c’est le seul corsaire assurément dont on ait pu dire : Il ne but jamais que de l’eau.

Il était très-brave, très-froid, et dur comme l’acier de sa hache d’abordage. Il tua beaucoup d’Anglais, quelques Français aussi, en passant, par mégarde, et rapporta des monceaux de piastres.

En homme d’ordre qu’il était, il plaça ses piastres en bonnes terres et devint le personnage important de la contrée.

Nous ne savons trop ce qui fût avenu si fantaisie lui avait pris de se faire nommer député. Ce qui est certain, c’est qu’il n’en eut au grand jamais la pensée.

On l’aurait nommé peut-être, car il était bien riche. Pourtant il passait pour philosophe auprès des gens qui pouvaient donner à ce mot un sens quelconque, et les autres se disaient tout bas que c’était un citoyen.

Un citoyen ! notez que nous n’apprécions pas, nous racontons ; un citoyen, dans nos campagnes, c’est le diable dans la peau d’un chien enragé.

Par le fait, M. de la Saulays ou Jean de la Mer ne pouvait être qu’un citoyen spéculatif et passif, car il ne parlait guère à personne et ne s’occupait point de politique.