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Page:Féval - Le Jeu de la Mort, volume 1 - 1850.djvu/23

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PROLOGUE.

rée par trois fenêtres. Vis-à-vis des fenêtres se trouvaient trois lits à double étage. La cheminée, couverte par une sorte d’auvent ou manteau en maçonnerie, avançait à cinq ou six pas du mur. En ce moment, elle abritait la société presque tout entière, tandis que les cendres chaudes achevaient de cuire le souper commun, dans un colossal chaudron de fonte noire.

Le contenu du chaudron jetait sa vapeur lourde par bouffées, quand le vent s’engouffrait dans le tuyau de l’âtre. C’était le mets national : des grous, bouillie de blé noir épaisse, qui, une fois refroidie, se coupe en tranches fermes comme du pain.

Les grous se mangent chauds avec du beurre fondu ou du lait pesé (caillé). Quand on en use avec une extrême modération, et qu’on a d’ailleurs un estomac de bronze, les grous ne donnent jamais d’indigestion.

Cela ne nourrit pas beaucoup, mais c’est détestable et lourd comme du platine.

Un paysan d’Ille-et-Vilaine qui a devant lui un bon morceau de grous, pesant deux livres, une moitié de sardine pressée et un pichet de cidre, prendrait en grande pitié les pauvres diables réduits au pâté de foie gras, au pain viennois et au bordeaux long bouchon.