Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/104

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livre, et j’aurais voulu voir la pauvre mine que dut faire M.  le Régent.

— Le Régent nous mit à la Bastille ! répondit Jude avec un soupir.

— C’était, en conscience, le moins qu’il pût faire, mon garçon !

— Nicolas Treml, que Dieu sauve son âme ! était déjà bien vieux, et puis il pensait sans cesse à l’enfant.

— Quel enfant ? interrompit Didier.

— Georges Treml, qui doit être, à l’heure qu’il est, un hardi soldat, s’il a gardé dans ses veines une goutte du bon sang de ses pères.

L’histoire languissait. Didier bâilla. Jude poursuivit :

— Il pensait donc à l’enfant qui était au pays sans protecteur et sans appui. Vieillesse et chagrin, c’est trop à la fois, mon jeune monsieur et pourtant Nicolas Treml mit longtemps à mourir ! Il descendit en terre, voici trois ans passés, et me légua le petit M.  Georges.

— Et qu’est devenu ce Georges ?

— Dieu le sait ! Moi, je fus mis en liberté deux ans après la mort de mon maître. Je n’avais point d’argent, et si la Providence ne m’eût pas envoyé sur votre chemin au moment où vous cherchiez un valet pour le voyage, je ne sais comment j’aurais regagné la Bretagne. Ma chère, ma noble Bretagne ! répéta Jude avec des larmes de joie dans les yeux.

Didier s’arrêta et lui tendit la main.

— Tu es un honnête cœur, mon garçon, dit-il ; je t’aime pour ton attachement au souvenir de ton vieux