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Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/103

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Quant au capitaine, il y avait sous sa fine moustache noire retroussée un sourire insouciant et fin ; dans ses yeux, une hardiesse indomptable, une gaieté franche et comme un reflet de cordiale loyauté. On eût trouvé difficilement une taille plus élégante que la sienne, une pose plus gaillarde sur son cheval isabelle, et une plus gracieuse façon de porter son belliqueux uniforme. Il avait de vingt-cinq à vingt-sept ans.

Le valet s’appelait Jude Leker ; le maître avait nom Didier tout court.

Le bon écuyer de Nicolas Treml n’avait point changé beaucoup au long de ces vingt années. La souffrance avait glissé sur son cœur comme le temps sur la dure peau de son visage. Il se tenait encore ferme sur son cheval, et il n’eût point fait bon recevoir un coup de la rapière plus moderne qui avait remplacé sa longue épée à garde de fer.

Il pouvait être deux heures après midi quand Didier et Jude dépassèrent les premiers arbres de la forêt. Le pâle soleil d’automne se jouait dans le feuillage jaunissant, et le sabot des chevaux s’enfonçait à chaque pas dans la molle litière que novembre étend au pied des arbres. Jude semblait respirer avec délices une atmosphère connue ; il saluait chaque vieux tronc d’un regard ami et presque filial. Il y avait vingt ans que Jude n’avait vu la forêt de Rennes.

Tout en marchant, le maître et le serviteur poursuivaient une conversation commencée.

— C’était, ma foi ! un vaillant vieillard que ce M. Nicolas ! s’écria Didier interrompant un long récit que lui faisait Jude ; j’aime son gant de buffle qui pesait une