Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/109

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Ses méditations furent douces. Officier de fortune et parvenu, son mérite aidant, à un poste que ses pareils n’atteignaient point avant d’avoir vu blanchir leur moustache et tomber leurs cheveux, il avait désormais devant lui un avenir couleur de rose. Sa mission en Bretagne n’était pas sans importance, et il espérait réduire aisément cette poignée d’hommes intrépides, mais simples et grossiers, qui s’opposaient encore à la levée de l’impôt, molestaient les sujets soumis au roi et poussaient parfois leur insolente audace jusqu’à mettre la main sur les fonds du gouvernement.

À part cet intérêt politique, son arrivée dans le pays de Rennes avait pour lui un intérêt particulier, dont nous ne ferons point mystère au lecteur. Ce n’était pas la première fois que Didier venait en Bretagne. L’année précédente, il avait passé six mois à Rennes, en qualité de gentilhomme[1] de M.  le comte de Toulouse, gouverneur de la province, lequel l’avait fait entrer depuis dans les gardes-françaises, d’où il était sorti avec son grade actuel.

Beau de visage et de tournure, prompt à l’amitié, mais étourdi et léger, il avait été bien près une fois de choisir la compagne de sa vie.

Pendant son séjour à Rennes, dans la maison du prince gouverneur, il avait été de pair à compagnon avec les fils des premières familles de la province. Il était de toutes les fêtes de messieurs des États, et dans ce

  1. Gentilhomme, en ce sens, n’impliquait pas toujours idée de noblesse. Racine, Voltaire lui-même, ont été gentilshommes des rois de France.