Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/127

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vingt mille livres. Il avait des façons de secouer la dentelle de son jabot et de relever la pointe de sa rapière jusqu’à la hauteur de l’épaule qui n’appartenaient qu’à lui, et sa mémoire suffisamment cultivée, lui permettait de placer çà et là des bons mots d’occasion qui n’avaient jamais cours que depuis six semaines.

Il possédait en outre un appétit incomparable, auquel il sacrifiait un estomac à l’épreuve.

En somme, ce n’était pas un personnage beaucoup plus grotesque que la plupart des nobles financiers de son temps. Il admettait Dieu, récemment inventé par le jeune M. de Voltaire, à l’usage des manants, mais n’en voulait point pour lui-même, pensant que la nature suffit à produire les truffes, le poisson, le gibier et le champagne.

M. le marquis de Nointel avait en Bretagne de nombreuses et importantes occupations. D’abord il courtisait Mlle Alix de Vaunoy, dont il voulait faire sa femme à tout prix. M. de Vaunoy ne demandait pas mieux, mais Alix semblait être d’une opinion diamétralement opposée, et c’était pitié de voir M. de Béchameil perdre ses galanteries, ses madrigaux improvisés de mémoire, et surtout les merveilles de sa cuisine dont l’excellence est historique, auprès de la fière Bretonne.

Il ne se décourageait pas cependant et redoublait chaque jour ses efforts incessamment inutiles.

M. le marquis de Nointel était, en outre, comme nous l’avons pu dire déjà, intendant royal de l’impôt. Cette charge, qu’il ne faudrait en aucune façon comparer à la banque gouvernementale de nos receveurs généraux, nécessitait, en Bretagne surtout, une terrible dépense