Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/128

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d’activité. La province, en effet, manquait à la fois d’argent et de bonne volonté pour acquitter les lourdes tailles qui pesaient depuis peu sur elle.

En troisième lieu, — et c’était, à coup sûr, l’emploi auquel il tenait le plus, — Béchameil avait la haute main sur toutes preuves nobles dans l’étendue de la province. Ce droit d’investigation était pour ainsi dire inhérent à la charge d’intendant, puisque les gentilshommes n’étaient pas sujets à l’impôt, et qu’ainsi, sous fausse couleur de noblesse, nombre de roturiers auraient pu se soustraire aux tailles.

M.  de Béchameil tenait ce droit à titre plus explicite encore. Il avait affermé en effet, moyennant une somme considérable payée annuellement à la couronne, la vérification des titres, actes et diplômes, et en vertu de ce contrat, il profitait seul des amendes prononcées sur son instance par le parlement breton contre tout vilain qui prenait état de gentilhomme.

En conséquence, il avait intérêt à trouver des usurpateurs en quantité. Aussi ne se faisait-il point faute de bouleverser les chartriers des familles et se montrait-il si âpre à la curée que les seigneurs ralliés au roi eux-mêmes avaient sa personne en fort mauvaise odeur. Mais on le craignait plus encore qu’on ne le détestait.

Par le fait, en une province comme la Bretagne, pays de bonne foi et d’usage, où beaucoup de gentilshommes, forts de leur possession d’état immémoriale, n’avaient ni titres ni parchemins, le pouvoir de M.  de Béchameil avait une portée terrible. Pauvre d’esprit, avide et étroit de cœur, rompu aux façons mondaines, n’ayant d’autre bienveillance que cette courtoisie tout extérieure