Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Lorsqu’il entra sous le couvert de la forêt, le soleil baissait à l’horizon. M. de la Tremlays contempla plus d’une fois avec convoitise les retranchements naturels et imprenables qu’offrait à chaque pas le sol vierge ; il comptait involontairement ces hommes vigoureux et vaillants qui le saluaient de loin avec une respectueuse affection.

— La guerre, pensait-il, pourrait être terrible avec ces soldats et ces retraites.

Il arrêtait son cheval et devenait rêveur. Mais bientôt une idée tyrannique fronçait ses sourcils grisonnants. Il se redressait et son œil brillait d’un sauvage éclat.

— Point de guerre ! disait-il alors. Un duel ! Un seul coup, une seule mort !

Et M. de la Tremlays, enfonçant ses éperons dans les flancs de son cheval, combinait un de ces plans dont l’extravagante hardiesse amène le sourire sur les lèvres des hommes de bon sens, et que le succès peut à peine sanctionner : un plan audacieux, chevaleresque, mais impossible et fou, dont l’idée ne pouvait germer que dans un cerveau de gentilhomme campagnard, ignorant le monde et toisant la prose du présent à la poétique mesure du passé.

Il ne faudrait point pourtant se méprendre et taxer Nicolas Treml de démence, parce que son entreprise dépassait les bornes du possible. Il le savait et son enthousiasme ne lui cachait point la profondeur de l’abîme.

Mais c’est un de ces hommes à cervelle de bronze, qui voient le précipice ouvert et ne s’arrêtent point pour si peu en chemin.