Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/147

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— Et il y a vingt ans de cela, mon homme !

Jude demeura un instant comme atterré.

— Où est Jean Blanc ? dit-il ensuite ; je veux le voir.

Goton secoua lentement sa tête grise.

— Pauvre créature ! dit-elle encore ; il ne fait pas bon, pour un pauvre homme, affronter la colère d’un homme puissant. Hervé de Vaunoy apprit les bruits qui couraient dans la forêt. On tourmenta Mathieu Blanc et son fils par rapport à l’impôt. Le vieillard mourut ; le fils disparut. Quelques-uns disent qu’il s’est fait Loup.

— J’ai déjà entendu prononcer ce mot. Quels sont ces gens, dame ?

— Ce sont des Bretons, mon homme, qui se défendent et qui se vengent. On leur a donné ce nom, parce que leur retraite avoisine la Fosse-aux-Loups. Chacun sait cela ; mais nul ne pourrait trouver l’issue par où l’on pénètre dans cette retraite. Eux-mêmes semblent prendre à tâche d’accréditer ce sobriquet qui fait peur aux poltrons. Leurs masques sont en peau de loup ; il n’y a que leur chef qui porte un masque blanc.

— J’irai trouver les Loups, dit Jude.

La vieille dame réfléchit un instant.

— Écoute, reprit-elle ensuite. Il est un homme dans la forêt qui pourrait te dire peut-être si Jean Blanc existe encore. Cet homme est un Breton, quoiqu’il feigne souvent de parler comme s’il avait le cœur d’un Français. Il me souvient qu’au temps où il vint s’établir de ce côté de la forêt, les sabotiers disaient que sa fille, qui était alors un enfant, avait tous les traits de la