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Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/151

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elles. Je ne sais, Jude, mes yeux ont besoin de pleurer !

— Souffrez-vous donc ? dit celui-ci en s’approchant aussitôt.

Didier laissa tomber sa main dans celle du vieillard et renversa sa tête sur l’oreiller.

— Non, répondit-il, je ne souffre pas. Au contraire. Je ne voudrais point ne pas éprouver ce que j’éprouve : car cette angoisse inconnue est pleine de douceur. Qu’ils sont heureux, Jude, ceux qui ont de vrais souvenirs !

— Ceux-là, répliqua l’écuyer avec tristesse, ne revoient parfois jamais la maison des ancêtres. Ce doit être une amère douleur, n’est-ce pas, que celle de l’enfant qui se souvient à demi et qui meurt avant d’avoir retrouvé la demeure de son père.

— Tu penses à Georges Treml, mon pauvre Jude.

— Je pense à Georges Treml, monsieur.

— Toujours ! Dieu t’aidera, mon garçon, car ton dévouement est œuvre chrétienne… Allons ! voici un nuage qui couvre le soleil. Le charme s’évanouit. Je redeviens le capitaine Didier et je suis prêt à jurer maintenant que j’ai vu, enfant, plus de rideaux de bure que de tentures de soie. Va, mon garçon, je ne te retiens plus.

Didier, secouant un reste de langueur rêveuse, avait sauté hors de son lit. Jude, avant de partir, jeta un regard dans la cour et reconnut maître Alain qui s’entretenait avec Lapierre.

— Il est bien tard, maintenant, dit-il, pour m’esquiver.