Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/176

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Il aimait sa fille : c’était le seul sentiment humain qui fût resté debout en son cœur parmi les ravages de l’égoïsme et de la cupidité. Il eût voulu la faire heureuse, mais les événements le pressaient. Il n’avait point le choix : un mot de Béchameil pouvait mettre en question sa fortune, sa noblesse, sa vie ; à quelque prix que ce fût, il lui fallait acheter l’appui de Béchameil.

En ce moment, Vaunoy était à la gêne. Alix le dominait de toute la hauteur de sa franchise. Pour la millième fois peut-être, il se repentit d’avoir usé de ruse avec elle, reconnaissant trop tard que la ruse s’émousse contre la candeur.

Trop vil pour ressentir dans toute sa force l’angoisse qui serre le cœur d’un père surpris par son enfant en flagrant délit de tromperie, il était néanmoins humilié de son rôle et fit effort pour jeter son masque loin de lui.

— Alix, dit-il tout à coup, en jouant passablement la rondeur, j’ai eu tort d’en user ainsi avec vous. Pardonnez-moi. Vous méritez ma confiance entière, et je veux dépouiller tout subterfuge. Vous savez ce que je veux ; vous devinez peut-être pourquoi je le veux. Tromperez-vous mes espérances ?

— Je ferai ce que j’ai promis, monsieur, répondit Alix.

Vaunoy respira.

— Cela suffit, dit-il. Le temps est un puissant remède aux répugnances capricieuses des jeunes filles ; pour le moment, je vous demande seulement de ne point voir le capitaine Didier.

— Je l’ai vu déjà, monsieur.