Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/187

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— L’orage sera rude, dit tout bas Lapierre. Attention, maître Alain !

— Par grâce, de quoi s’agit-il ! murmura celui-ci qui trembla de confiance.

Lapierre se pencha à son oreille et prononça quelques mots. Un frisson secoua les membres du vieillard.

— Notre-Dame de Mi-Forêt ! balbutia-t-il ; j’aimerais mieux aller en enfer !

— Tu n’as pas le choix, mon vieux compagnon, attendu que le diable te garde depuis longtemps une place au lieu que tu viens de nommer. Mais si tu veux n’en jouir que le plus tard possible, comme je le crois, tiens-toi ferme et fais comme moi.

— Notre-Dame ! Saint-Sauveur ! Jésus Dieu ! murmura maître Alain bouleversé.

— Allons bois un coup ! l’attaque va commencer.

Le vieillard n’était point homme à mépriser ce conseil. Il jeta un regard du côté de Vaunoy, qui ne songeait guère à l’épier, tira son flacon de fer-blanc de sa poche et but tant que son haleine ne lui fit point défaut.

— Il va faire rage, reprit Lapierre, car c’est pour lui un coup de partie ; mais, après tout, il ne peut que nous faire pendre ici, et là-bas nous serons brûlés vifs.

— Pour le moins ! soupira maître Alain avec conviction. Je voudrais être hors de tout cela, dussé-je, après, ne point boire pendant un jour entier !

Vaunoy s’arrêta tout à coup, les sourcils froncés, le regard brillant et résolu. Ce n’était plus le même homme. Toute expression cauteleuse avait disparu de sa physionomie.