Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/186

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— Donnez et bâtonnez, répondit imperturbablement Lapierre. Quant à la fable dont je parle, vous ne pouvez la juger avant de l’avoir entendue, et, ne la sachant point par cœur, je ne vous la réciterai pas.

— Mais, Saint-Dieu ! détestable maraud, où veux-tu en venir ?

— Je vous prie d’excuser mon peu de mémoire, poursuivit Lapierre ; à défaut de texte, le conte suffira. Voilà ce que c’est : les rats tiennent conseil et cherchent un moyen de mettre à mort un chat fort redoutable…

— Je te comprends ! s’écria violemment Vaunoy qui se leva et parcourut la chambre à grandes enjambées.

— Pas moi, pensa maître Alain.

— Je te comprends, répéta Vaunoy ; tu as peur !

— Vous vous trompez. Il vaudrait mieux pour votre projet que j’eusse peur. Mais je suis parfaitement déterminé à faire comme les rats de la fable ; je n’ai pas peur.

— Tu braverais mes ordres, misérable !

— Attacher le grelot est une niaiserie tout à fait en dehors de mes principes et de mes habitudes. Qu’un autre l’attache, et, pour le reste, je suis votre soumis serviteur.

— De quel diable de grelot parle-t-il ? se demandait tout doucement maître Alain, et à quel propos est-il ici question de rats ?

Vaunoy garda un instant le silence et activa sa promenade. Son front si riant d’ordinaire était sombre comme un ciel de tempête. Sa face passait alternativement du pourpre au livide, et un tremblement agitait ses lèvres.