Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/191

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Maître Alain se hâta d’obéir. Lapierre resta et regarda Vaunoy en face avec un étonnement inexprimable.

— Ai-je bien compris ? dit-il après un instant de silence ; songeriez-vous à risquer vous-même cette démarche ?

— Fais seller mon cheval, te dis-je.

— À votre place, je serais moins pressé… Allons ! au demeurant, cela vous regarde, et si, par hasard, vous revenez avec votre tête sur vos épaules, je conviens que le capitaine est un homme mort.

Il fit mine de sortir ; mais, arrivé au seuil, il se retourna.

— Vous êtes plus brave que je croyais, dit-il encore. Le diable vous doit protection, et peut-être… C’est égal ! le jeu est chanceux, et j’aime mieux qu’il soit à vous qu’à moi.

Vaunoy, resté seul, se laissa tomber sur un siège. Quand ses deux acolytes revinrent lui annoncer que tout était prêt pour son départ, il se leva et prit le chemin de la cour. Il se mit en selle sans mot dire. Les rubis de sa joue avaient fait place à une effrayante pâleur.

Il partit.

Dès que son cheval eut passé le seuil de la grand’porte, Lapierre hocha la tête et dit avec ironie :

— Bon voyage !

— En veux-tu ? lui demanda maître Alain qui lui présenta sa bouteille carrée.

— Volontiers, répondit Lapierre ; il est permis de boire après la bataille. J’ai la tête faible, vois-tu, et si j’avais embrassé trop tendrement ton flacon ce matin, peut-