Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/190

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seul coup, je pourrais l’écraser ! Dites, faut-il doubler la somme, la tripler, la quadrupler ?

— Huit mille livres, supputa Alain à voix basse.

— Huit mille livres, mon bon, mon vieux serviteur ! s’écria Vaunoy, dix mille, si tu veux, et ma reconnaissance, et…

— Un bûcher de bois vert dans quelque coin de la forêt, interrompit Lapierre. C’est tentant.

Vaunoy lui serra le bras avec violence.

— Au moins, dit-il tout bas, ne parle que pour toi et n’influence pas cet homme. Je paierai jusqu’à ton silence.

— À la bonne heure ! répondit Lapierre. Il ne s’agit que de s’expliquer. Combien me donnerez-vous ?

— Dix louis.

L’ancien bateleur devint muet ; mais il était trop tard. Le coup était porté. Le vieux majordome, ébloui d’abord par les dix mille livres, reculait maintenant devant la pensée de la mort. Vaunoy eut beau renouveler la tentation ; à toutes ses offres, maître Alain ne répondit plus que par le silence.

— Ainsi vous refusez tous les deux ? s’écria enfin le maître de la Tremlays en se levant de nouveau.

— Pour ma part, je refuse, dit hardiment Lapierre.

Maître Alain ne répondit point.

— C’est bien ! murmura Vaunoy. Je devais m’y attendre. Souvent, au moment décisif, l’arme se brise. Il faut alors lutter corps à corps et payer de sa personne… Maître Alain, ajouta-t-il d’une voix brève, préparez mes habits de voyage et mes pistolets. Lapierre, fais seller mon cheval.