Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/194

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dit, quitté le château pour se rendre à la demeure de Pelo Rouan, le charbonnier.

Jude était arrivé la veille en Bretagne, inquiet, mais plein d’espoir. Au pis-aller, Georges Treml, le petit-fils de son seigneur, avait été dépouillé peut-être de son héritage, et Jude avait en main ce qu’il fallait pour le lui rendre.

Maintenant l’inquiétude s’était faite angoisse, et l’espoir se mourait. Mieux eût valu mille fois retrouver l’enfant et perdre le coffret dépositaire de la fortune de Treml.

Georges vivant aurait eu son épée pour soutenir sa querelle. Georges mort ou absent, il ne restait plus qu’un vain droit.

Le coffret, c’est-à-dire l’immense domaine de Treml, était sans maître légitime, et le dévouement de Jude, que vingt années d’exil n’avaient pu entamer, restait désormais sans but.

Il y avait bien encore la vengeance, ce suprême mobile des gens qui n’espèrent plus. Mais Jude était vieux. Sa loyale nature comportait plus d’amour que de haine. La vengeance, qui a tant d’attraits pour certaines âmes, lui apparaissait comme une inutile et triste compensation.

— Je chercherai, se disait-il, en retrouvant son chemin dans les sentiers connus de la forêt ; je chercherai longtemps, toujours. Si j’acquiers la preuve de sa mort, et je prie Dieu d’épargner cette douleur à ma vieillesse, j’irai vers son assassin et je le tuerai au nom de Nicolas Treml.

Il ne pouvait pas faire un pas dans ces routes tortueuses