Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/195

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et sombres, tant de fois parcourues jadis, sans rencontrer un souvenir. C’était par ce sentier que le vieux maître de la Tremlays avait coutume de chevaucher lorsqu’il se rendait avec son petit-fils à son beau manoir de Boüexis ; à ce détour, Loup, le magnifique et fidèle animal, avait forcé un sanglier après un combat héroïque ; ce chemin percé dans le fourré, et si étroit qu’un chevreuil semblait y pouvoir passer à peine, menait droit à l’étang de la Tremlays. — L’étang de la Tremlays, qui peut-être était le tombeau du dernier des Treml !

Le cœur de Jude se fendait, ses yeux secs brûlaient.

Autrefois, Jude s’en souvenait, on voyait fumer sous le couvert les toits des charbonniers. Maintenant plus rien. Les cabanes étaient là, les unes debout encore, les autres à demi ruinées, mais la plupart semblaient désertes. Au lieu du bruit incessant du ciseau et de la doloire, le silence régnait, un silence uniforme, universel.

Quel fléau avait donc passé sur la forêt de Rennes ? Quelle peste avait dépeuplé ces clairières et mis cette apparence de mort en ces lieux jadis si pleins de mouvement et de vie ?

Jude allait, plus triste et plus morne que ces alentours si mornes et si tristes. Il se signait par habitude aux croix des carrefours auxquelles ne pendaient plus les dévotes offrandes des fidèles. Il prononçait des noms connus en passant auprès de certaines loges abandonnées, et nulle voix ne lui répondait.

Parfois une forme humaine se montrait à un coude de la route ; mais elle disparaissait aussitôt comme un