Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/211

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D’un bond, Pelo avait franchi toute la largeur de la loge. Jude n’apercevait plus que le rouge éclat de ses yeux qui brillaient de loin dans l’ombre.

Il se précipita de ce côté ; le bruit d’un pistolet qu’on armait ne l’arrêta point : mais, dans sa course, il heurta du pied contre une escabelle renversée et tomba lourdement sur le sol.

À l’instant même, le genou de Pelo Rouan s’appuya sur sa poitrine.

— Si tu te relèves, tu me tueras, mon homme, dit le charbonnier avec calme ; c’est pourquoi, si tu essaies de te relever, je te tue.

Jude sentit sur sa tempe la froide bouche du pistolet.

— La vieillesse ne t’a point changé, reprit Pelo : brave cœur et cervelle bornée. Que veux-tu que je fasse de ton secret ? Et si les cent mille livres m’eussent tenté, seraient-elles encore au creux du chêne ?

— C’est vrai, dit pour la troisième fois le pauvre Jude ; mais je ne sais pas qui vous êtes…

— Peut-être ne le sauras-tu jamais. Que t’importe ? Je t’ai laissé voir que je suis l’ami de Treml, et Treml vivant ou mort, a-t-il trop d’amis pour que deux d’entre eux ne daignent point s’expliquer avant de s’entr’égorger, lorsque la Providence les rassemble ?

— Je suis à votre merci, murmura Jude. Puisse Dieu permettre que vous soyez en effet un ami de Treml.

Pelo Rouan ôta son genou et Jude se releva.

— Ramasse ton épée, dit le charbonnier ; j’ai confiance en toi, bien que tu te sois fait le valet d’un Français.