Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/218

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Et la curiosité se joignit au puissant intérêt du dévouement pour stimuler son impatience. Quel miracle avait grandi le malheureux albinos jusqu’à faire de lui l’arc-boutant sur lequel s’appuyait désormais la destinée de Treml ?

— Il y a vingt ans de cela, reprit Pelo Rouan avec lenteur et comme s’il se fût parlé à lui-même ; mais ce sont des choses dont le souvenir ne se perd qu’avec la vie. Écoute, mon homme : quand j’aurai dit, tu connaîtras Jean Blanc comme il se connaît lui-même.

«  C’était quelques mois après la disparition de l’enfant. Pontchartrain, que Dieu confonde ! était encore intendant de l’impôt, et ses agents n’avaient jamais osé jusque-là pénétrer dans les retraites écartées des pauvres gens de la forêt. Un matin que Jean coupait du cercle de châtaignier dans la partie du bois qui borde la route de Rennes, il vit une nombreuse cavalcade s’enfoncer dans la forêt.

« Il y avait des soldats armés en guerre ; il y avait aussi de ces sangsues couvertes de drap noir, dont nous devions apprendre bientôt les attributions et le métier.

« Au-devant de la troupe marchaient deux gentilshommes.

« Ce pouvait être une compagnie de bourgeois, de nobles et de soldats, faisant route pour la France ; mais Jean Blanc avait cru reconnaître, dans l’un des gentilshommes qui chevauchaient en tête, le lâche Hervé de Vaunoy. Or, depuis l’aventure de l’enfant, Vaunoy haïssait terriblement Jean Blanc, qui n’avait point su retenir sa langue. »