Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/242

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rait le nom de cette belle personne, en l’immortalisant dans les siècles futurs.

L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux.

Il ne faut pas croire que M.  le marquis de Nointel fût descendu aux cuisines de la Tremlays avec un projet vague et mal arrêté. Son blanc-manger était dans sa tête, complet et tout d’un bloc. Il n’y manquait ni un scrupule de muscade, ni une pointe de girofle, ni un atome de cannelle.

Aussi, disons-le tout de suite, le plat de l’intendant royal devait compter parmi les rares chefs-d’œuvre qui vivent à travers les âges. Ce devait être un blanc-manger illustre, un blanc-manger que les restaurateurs des cinq parties du monde inscriront avec fierté sur leurs cartes tant que l’homme, roi de la création, saura distinguer un suprême de turbot d’une omelette au lard !

Le cuisinier de la Tremlays mit à la disposition de son noble confrère ses épices et ses fourneaux. Béchameil se recueillit dix minutes ; puis, avec la précision nécessaire à toutes les grandes entreprises, il se mit résolûment à l’œuvre.

La vieille Goton Rehou, femme de charge du château, qui fumait sa pipe dans un coin de la cheminée, pendant que l’intendant royal opérait, répéta souvent depuis qu’elle n’avait, de sa vie, vu un mitron si ardent à la besogne.

L’intendant royal n’avait garde de faire attention à la vieille. Il avait retroussé les manches de son habit à la française, rentré la dentelle de son jabot et rejeté sa