Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/243

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perruque en arrière. Son rouge visage atteignait les nuances les plus vives de la pourpre. Ses yeux étaient inspirés. Ses mains blanches et chargées de diamants agitaient la queue de la casserole avec une grâce indescriptible. Tout observateur impartial eût déclaré qu’il était là vraiment à sa place.

— Divine Alix ! murmurait-il plus tendrement à mesure que la fumée s’élevait, plus savoureuse ; vous qui possédez toutes perfections, vous devez être douée du plus délicat de tous les goûts. Si vous résistez à ce poison, je n’aurai plus… une idée de gingembre ne peut que faire du bien… je n’aurais plus qu’à mourir !

Béchameil mit une pincée de gingembre et ouvrit convulsivement ses narines pour saisir l’effet.

— Délicieux ! céleste ! dit-il ; Alix, vous ne refuserez plus la main capable de combiner ces saveurs, il faudrait être un sauvage pour résister à un pareil arôme.

— C’est vrai que ça sent bon ! grommela Goton dans un coin.

Béchameil mit son binocle à l’œil et regarda du côté de la cheminée d’un air modeste et satisfait.

— N’est-ce pas, excellente vieille ? s’écria-t-il, c’est un manger de déesse.

— Ça doit faire un fier ragoût, c’est la vérité, répondit Goton en rallumant sa pipe avec gravité, mais, sauf respect de vous, si j’étais homme et marquis, m’est avis que j’aimerais mieux manier une épée que la queue d’une casserole.

Béchameil laissa retomber son binocle et, se détournant de dame Goton avec mépris, il rendit son âme tout entière à la pensée de la belle Alix.