Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le blanc-manger resta sur la table, chef-d’œuvre abandonné.

Quelques minutes après, Alain le majordome et Lapierre entrèrent par hasard dans le salon.

— Il ne reviendra pas, dit Lapierre.

— Tu es un oiseau de mauvaise augure, répondit le vieil Alain : il reviendra.

Les deux valets avisèrent le blanc-manger. Ils s’attablèrent sans cérémonie. Nous devons croire que la béchamelle se trouva être de leur goût, car, au bout d’un demi-quart d’heure, il n’en restait plus trace.

— Il ne reviendra pas ! répéta Lapierre en se renversant sur son siège comme un homme qui a bien dîné.

— Il reviendra ! répéta de son côté maître Alain, qui introduisit dans sa bouche le goulot de sa bouteille carrée ; en veux-tu ?

— Volontiers. S’il ne revient pas, nous pourrons bien n’y rien perdre. Ce petit soldat de Didier a le cœur généreux et la main toujours ouverte. Il achètera notre marchandise un bon prix.

— Et s’il nous fait pendre ?

— Allons donc !…

On frappa trois rudes coups à la porte extérieure. Les deux valets sautèrent sur leurs sièges.

— C’est Vaunoy ! dit le vieux majordome.

— Ou Didier ! répartit Lapierre… Une idée ! Si c’est Didier, veux-tu que nous parlions ? Vaunoy est avare. Nous pourrissons à son service.

Alain hésita et but. Quand il eut bu, il n’hésita plus.

— Tope, s’écria-t-il gaillardement ; si c’est Didier,