Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/262

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planches soutenues par des pieux fichés en terre, buvaient, mangeaient ou fumaient.

Cela ressemblait à une immense taverne.

La lumière, partant d’un seul centre, où brûlaient toutes les torches réunies, s’affaiblissait en radiant, de telle sorte que la majeure partie de la foule, fantastiquement plongée dans un vacillant demi-jour, prenait de loin une physionomie étrange et presque diabolique.

On ne pouvait calculer, même approximativement, le nombre des assistants, et l’aspect de cette cohue faisait naître l’idée de l’infini.

Les derniers rangs, en effet, disparaissant à demi dans l’ombre, semblaient se prolonger jusqu’à perte de vue ; et, lorsqu’un mouvement fortuit ou l’étincellement d’une torche agrandissait le cercle de lumière, on voyait surgir de tous côtés de nouvelles figures de buveurs ou de fumeurs.

Or, tous ces buveurs et fumeurs étaient des Loups, honnêtes artisans de la forêt, qui, nous en sommes certains, possédaient au grand jour de fort débonnaires physionomies ; mais la lueur sanglante des torches mettait à leurs traits une expression de férocité sauvage. S’ils étaient bons, ils n’en avaient pas l’air, en vérité.

Çà et là, dans la foule, Vaunoy reconnaissait quelque visage de vannier ou de sabotier, rencontré souvent dans la forêt. Deux ou trois Loups avaient gardé leurs masques de fourrure ; et, nonobstant le flux perpétuel de la lumière et de l’ombre, Vaunoy crut pouvoir affirmer plus tard que ces Loups, obstinément masqués,