Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/27

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— Arrière, méchant mouton blanc ! disait ce chef des valets de Treml. N’as-tu pas honte, gibier de rebut, de demander la pitance d’un chrétien !

Jean, suivant son humeur, hochait la tête en éclatant de rire, ou baissait ses yeux pleins de larmes. Parfois un éclair de raison ou de fierté semblait traverser sa cervelle. Alors la bordure enflammée de ses paupières devenait livide, tandis qu’une tache écarlate se dessinait sur sa joue. C’était l’affaire d’un instant.

L’écuyer Jude prenait alors le parti du pauvre albinos, dont l’apathie naturelle avait déjà triomphé de sa fugitive colère.

— Un peu plus de charité, maître Alain, disait l’écuyer Jude au majordome ; Jean Blanc est le fils de son père, qui était un digne serviteur de Treml. Notre monsieur Nicolas n’entend pas qu’on traite ainsi les bonnes gens de la forêt.

Jude ne mentait point. Nicolas Treml était doux envers ses vassaux ; mais, si accompli que soit le maître, l’insolence, cette gangrène de la valetaille, sait toujours se faire place en quelque coin de l’office.

Alain, le maître d’hôtel, grommelait un juron armoricain et coupait à Jean Blanc un morceau de pain de mauvaise grâce. Celui-ci trempait aussitôt sa soupe, sans rancune apparente, et dévorait avec la plus parfaite égalité d’âme. Quand il avait fini, on lui donnait une seconde écuelle de bouillon bien chaud qu’il portait à son père, Mathieu Blanc, le vieux vannier de la Fosse-aux-Loups.

Cette tranquillité de Jean Blanc était-elle feinte ou réelle ? nous ne saurions trancher cette question d’une