Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/28

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manière précise, et parmi ceux qui le connaissaient, les avis étaient partagés. On s’accordait à reconnaître que sa cervelle ne contenait point la somme d’idées raisonnables que comporte l’intelligence de l’homme ; mais était-il sérieusement idiot ?

Tant que durait le jour, il chantait de bizarres refrains sur les couronnes des châtaigniers, ou bien il gambadait le long des chemins. À vêpres, son blême visage grimaçait à faire pâmer de rire chantres, marguilliers et bedeau.

Et pourtant Jean priait dévotement.

Et pourtant Jean soignait son vieux père avec l’attention d’une fille dévouée ; quand Mathieu avait besoin de remèdes, Jean travaillait le double, et plus d’un paysan affirmait l’avoir vu, le soir, agenouillé au chevet du vieillard endormi.

En outre, on le savait capable d’une reconnaissance sans bornes. Il s’était jeté, sans armes, au-devant d’un sanglier qui menaçait l’écuyer Jude, son protecteur, et il avait escaladé plus d’une fois les hautes murailles du jardin de la Tremlays, rien que pour baiser, en pleurant de joie, les mains du petit M. Georges, le fils de son bienfaiteur.

Sa tendresse pour l’enfant était poussée jusqu’à la passion, et ceux qui ne croyaient point à l’idiotisme de Jean disaient que sa haine pour M. de Vaunoy venait de ce qu’il le regardait comme un intrus, destiné à frustrer le petit Georges de son héritage.

Ils disaient cela quand ils n’avaient point à dire autre chose de plus intéressant, car, bien entendu, Jean Blanc était un sujet de conversation fort secondaire. À part