Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/297

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pensées, comme la secousse imprimée à un vase rempli d’eau, y fait remonter les objets submergés.

Elle eut souvenir de son entretien avec Lapierre et de la mortelle douleur qui avait torturé son âme. Elle prononça le nom de son père, puis le nom de Didier, pour qui désormais sa tendresse était celle d’une sœur ou d’un ange.

Puis, encore, elle se leva, jeta sur ses épaules une mante, prit un flambeau et quitta sa chambre.

Il n’y avait personne pour la retenir.

Dans le corridor elle rencontra plusieurs Loups, qui, maîtres du château, le traitaient en pays conquis ; mais les Loups s’enfuirent à l’aspect de cette pâle figure, qui ressemblait de loin à un fantôme.

Ils n’eurent garde de lui barrer le passage.

Elle choisit d’instinct le chemin de la chambre de Didier. On ne peut dire qu’Alix fût en état de somnambulisme. Elle était bien réellement éveillée ; mais son intelligence flottait dans un milieu obscur ; elle pensait comme on rêve.

Lorsqu’elle ouvrit la porte du capitaine, seule, au milieu de la nuit, l’idée ne lui vint même pas que ce pût être un acte condamnable ou simplement en dehors des lois des convenances. Malgré les demi-ténèbres où son esprit était plongé, elle savait que, entre elle et Didier, il existait un obstacle infranchissable, un abîme rendu plus profond par les accablantes insinuations de Lapierre.

Elle était résignée. Elle l’avait dit à Dieu.

Elle venait au secours d’un homme qui avait été son fiancé, mais qui était son frère.