Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/335

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Il y a eu trahison, dit-il en finissant ; les soldats et les sergents de la maréchaussée ont été traîtreusement empêchés de faire leur devoir. Et cela me coûte cinq cent mille livres, monsieur !

— Il y a eu trahison, en effet, répondit le capitaine ; n’avez-vous nul soupçon ? Ne savez-vous quel peut être le coupable ?

Béchameil mit ses doigts dans sa tabatière émaillée et regarda le capitaine en dessous.

— Des soupçons ? répéta-t-il, je ne sais trop. J’ai perdu cinq cent mille livres, voilà ce qui est cruellement certain. Monsieur le capitaine, je donnerais six mois de ma vie pour vous voir en possession d’un bon et opulent domaine.

— Pourquoi cela ? demanda Didier étonné.

— Parce que j’ai perdu cinq cent mille livres, et que, pauvre comme vous êtes, le parlement ne pourrait que vous faire pendre ou décapiter. Soit dit, monsieur le capitaine, sans offense aucune et avec toute la considération qui est due à votre titre d’officier du roi.

— Oserait-on m’accuser ? s’écria Didier.

— Qui donc ? répondit Béchameil avec mélancolie ; qui donc prendrait ce soin, monsieur, si ce n’est moi ? Je suis seul victime et ne me plains point parce qu’il vous faudrait bien longtemps, monsieur le capitaine, pour me solder mes cinq cent mille livres avec les émoluments de votre grade.

Didier était dans l’un de ces instants où le cœur est, pour ainsi dire, inaccessible à la colère. Sa vie venait de subir une crise trop grave pour qu’il songeât à