Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dépenser son courroux contre un personnage comme M. de Béchameil.

Au contraire, porté à compatir à ce chagrin qui, en définitive, avait une source sérieuse, et tout plein encore des révélations de Jean Blanc, il répondit à l’intendant à peu près comme il l’eût fait à une personne raisonnable, et lui laissa entendre que sa fortune allait subir un complet changement.

Béchameil haussa les épaules.

— Quelque héritage de vilain, grommela-t-il ; deux cents francs de rentes ! C’est égal, s’il est possible de les saisir, je les saisirai. Mais puissiez-vous me rendre mes cinq cent mille livres jusqu’au dernier sou, monsieur, nous ne serions pas quittes encore.

— Comment cela ? demanda Didier qui ne prit même pas la peine de répondre à ce qui regardait le vol de la nuit précédente.

— Comment cela ! s’écria Béchameil enhardi par le calme de son interlocuteur : vous me le demandez, monsieur ! J’étais le fiancé de Mlle  Alix de Vaunoy.

— Pauvre Alix, murmura le capitaine.

— Cinq cent mille livres et ma fiancée ! reprit Béchameil. Si j’étais un homme de carnage, monsieur, je vous appellerais sur le pré !

À ces derniers mots, prononcés d’une voix plaintive, M. l’intendant royal tira sa montre de son gousset et leva les yeux au ciel.

— Onze heures ! murmura-t-il. Vous verrez qu’au milieu de cette bagarre, personne ne se sera occupé du déjeuner !

Il salua Didier à la hâte et se dirigea vers les cuisines.