Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/39

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ceux de son père et de sa mère défunts et se mit à genoux.

— Adieu, madame ma mère, murmura-t-il ; adieu, mon respecté père. Je vais mourir comme vous avez vécu, pour la Bretagne !

Comme il se relevait, un rayon de soleil levant, perçant les vitraux de la salle, fit scintiller les dorures et mit un reflet de vie sur tous ces raides visages de chevaliers. On eût dit que les nobles dames souriaient et respiraient le séculaire parfum de leur inévitable bouquet de roses ; on eût dit que les fiers seigneurs mettaient, plus superbes, leurs poings gantés de buffles sur leurs hanches bardées de fer, en écoutant la voix de ce Breton qui parlait encore de mourir pour la Bretagne.

Avant de quitter la salle, Nicolas Treml se découvrit et salua les vingt générations d’aïeux qui applaudissaient à son sacrifice.

Le petit Georges dormait, mais ce sommeil matinal était léger. Le contact de la bouche de son aïeul suffit pour clore son rêve. Il s’éveilla dans un charmant sourire et jeta ses bras autour du cou du vieillard.

M. de la Tremlays avait dit adieu sans faiblir aux images vénérées de ses ancêtres, mais il n’en fut pas ainsi à la vue de cet enfant, seul espoir de sa race, qui allait être orphelin et qui souriait doucement comme à l’aurore d’un jour de bonheur.

— Que Dieu te protège, mon cher fils, murmura-t-il, pendant qu’une larme furtive mouillait le bord de sa paupière ; qu’il fasse de toi un gentilhomme. Puisses-tu ressembler à tes pères, qui étaient pieux, vaillants — et libres !