Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/75

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prise lui apparaissait maintenant sous son véritable jour. La vue de la cour avait changé ses idées. Il comprenait, mais trop tard, que sa tentative, qui eût été téméraire au temps de la chevalerie, devenait, au XVIIIe siècle, un acte de véritable extravagance.

Sa douleur et ses regrets eussent été bien plus amers encore s’il avait pu voir ce qui se passait dans son château de la Tremlays. Hervé de Vaunoy, en effet, ne faisait point les choses à demi. Quelques mots échappés à Nicolas Treml, dans la dernière conversation qu’ils avaient eue ensemble, avaient mis Hervé sur la voie, et il devinait à peu près le but du voyage de son parent.

Ce lui en était assez pour conjecturer le reste, car il connaissait l’indomptable rancune du vieux Breton.

Il laissa passer une semaine. Au bout de ce terme, il regarda le retour de Nicolas Treml comme étant pour le moins fort problématique, et agit en conséquence. La majeure partie des vieux serviteurs du château fut congédiée, Vaunoy ne garda que ceux qu’il avait su se concilier dès longtemps, et Alain, le maître d’hôtel, qui était un peu son confident.

Vaunoy avait totalement changé de caractère. Depuis deux ans, il rêvait nuit et jour la possession du riche domaine de Treml, et voilà que tout à coup ce rêve s’était accompli. Pauvre hier et ne possédant que son manteau râpé de gentillâtre, il s’éveillait aujourd’hui aussi riche que pas un membre de la haute noblesse bretonne.

Il y avait de quoi mettre une cervelle d’ambitieux à l’envers, et celle de Vaunoy fit la culbute.

Il est vrai que, à bien prendre, cette opulence n’avait