Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/98

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Quelques-uns cependant l’avaient vue et le bruit de sa beauté sans rivale s’était répandu dans le pays. On fut du temps avant de savoir son nom, car Pelo Rouan ne souffrait guère de questions, surtout lorsqu’il s’agissait de sa fille, et Marie devenait muette dès qu’un homme lui adressait la parole. À cause de cette ignorance, et par un reste de cette chevaleresque poésie qui a fleuri si longtemps sur la terre de Bretagne, on choisissait pour désigner Marie les noms des plus charmantes fleurs.

Les jeunes gens de la forêt parlaient d’elle d’autant plus souvent que son existence était plus mystérieuse. À la longue, la coutume effeuilla cette guirlande de jolis sobriquets. Un seul resta, qui faisait allusion à la couleur des cheveux de Marie :

On l’appela Fleur-des-Genêts.

Pelo Rouan laissait à sa fille une liberté entière, dont celle-ci usait tout naturellement et comme on respire, sans savoir qu’il en pût être autrement. D’ailleurs le charbonnier, quand même il l’aurait voulu, n’aurait point pu surveiller fort attentivement la jeune fille, car il faisait de longues et fréquentes absences.

Le motif de ces absences était un secret, même pour Marie.

Parfois, durant des semaines, le four de Pelo Rouan restait froid, mais quand il revenait il travaillait le double et réparait le temps perdu.

Personne n’était admis dans la loge. On venait chercher Pelo Rouan de temps en temps la nuit. Dans ces circonstances, ceux qui avaient besoin du charbonnier,