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prieur étaient des hommes de guerre et de conseil à leurs heures. La seconde génération donna un batailleur de bonne sorte, et ce conjuré pour rire, le duc de Beaufort, roi des halles ; la troisième enfin fournit un grand capitaine, un héros, le vainqueur de Barcelonne et de Villa-Viciosa.

Pour ne pas mentir, cependant, au vice de leur origine, tous ces princes de contrebande affichèrent de terribles mœurs, le dernier surtout et le plus illustre, dont la vie privée ne se pourrait point raconter.

César de Vendôme, « César-Monsieur, » comme on l’appelait encore en 1620, n’allait peut-être pas jusque là. À part l’abus des sept péchés capitaux et de leurs annexes, il vivait assez en honnête homme. Il était grand seigneur à sa manière, et l’accusation d’avarice portée contre sa race tombe devant sa notoire insouciance et l’abus de ses prodigalités.

Guezevern lui répondit avec une grande affectation de respect :

« Votre Altesse a la bonté de me donner tous les soirs d’excellents conseils. »

Le regard endormi de César prit une expression d’inquiétude. Il craignait la raillerie comme le feu.

« Explique-toi, Breton bretonnant, grommela-t-il, ou gare à tes oreilles ! »

D’ordinaire, maître Pol acceptait ces façons sans sourciller. Aujourd’hui, il baissa les yeux en rougissant.

« Ventre saint gris ! s’écria César, si tu te fâches, tu es amoureux ! »

De rouge qu’il était, maître Pol devint tout pâle.

« Voilà que je passe mes dix-huit ans, murmura-t-il, et j’aimerais être traité en gentilhomme. »

Pour le coup, César fut sur le point de se mettre en colère ; mais c’était un homme d’habitude. Il but une large lampée, ce qui le calma d’autant.

« Vit-on jamais colique pareille ! reprit-il comme si de rien n’eût été. Verse à boire, ami Guezevern. Tu es gentilhomme, ou que Dieu me punisse ! cousin de Rieux, cousin de Pardaillan. On fera quelque chose de toi, si tu veux réformer ta vie : ne plus jouer, ne plus jurer, ne plus boire et ne plus faire l’amour. Sangdieu ! je m’en souviens bien ! voilà les conseils que je te donnais l’autre soir ! »

Maître Pol s’inclina gravement : le duc poursuivit :

« Mais à quelle diable de sauce m’avez-vous mis la nuit dernière, monsieur le gentilhomme ? Ai-je rêvé que nous avons porté une donzelle à la guerdindaine tous les deux ?

— Oui, monseigneur, répondit péremptoirement Guezevern, vous avez rêvé cela. »

Le duc le menaça du doigt.

« Prends garde ! » fit-il.

Il ajouta :

« Ai-je rêvé aussi que tu m’as parlé d’un remède contre la colique !