Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/59

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— La paix, par la mort-Dieu ! tonna M. de Vendôme qui, véritablement, à cette heure, était fort comme un taureau, penses-tu en savoir plus long que moi, pataud ? Il me faut un intendant honnête homme, et tu es honnête puisque tu m’as guéri ! Est-ce clair ? Je ne me souviens plus bien de tout ce que m’a dit M. le grand prieur, mais c’était plein de sens et de philosophie.

— On ne peut pourtant pas se marier comme cela en quelques heures, objecta Pol.

— Et pourquoi non, âne bâté ? Mgr l’archevêque de Paris est-il là pour le Grand-Turc ? As-tu peur de ta nuit de noces, Tête-de-Bœuf, comme mon frère de France, qui se sauva, dit-on, jusqu’aux communs du Louvre pour la frayeur qu’il avait de son Autrichienne ? Ventre-saint-gris ! celle-là est une gaillarde, et mon royal frère a raison d’avoir peur. Va me chercher ta tante de Pardaillan et la petite Éliane. Allons ! es-tu parti ? »

Comme maître Pol hésitait, M. de Vendôme saisit une chaise, la leva à bras tendu et faillit la lui briser sur la tête.

C’était un fier remède que celui de Mathieu Barnabi !





VIII

COMMENT MAÎTRE POL ÉPOUSA LA PETITE ÉLIANE.


Maître Pol n’eut que le temps de prendre la porte à toutes jambes.

Il descendit encore une fois l’escalier dérobé, traversa le clos Pardaillan, où il n’y avait personne, et vint frapper à la porte de dame Honorée.

Dame Honorée était je ne sais où ; il n’y avait à la maison que la petite Éliane.

Le croiriez-vous ? La petite Éliane désapprouva de bout en bout l’adroite et sage conduite de maître Pol. Elle trouva qu’il n’avait pas eu raison d’aller chez Mathieu Barnabi, et qu’il avait eu tort de donner à son seigneur trente-deux gouttes de la potion : juste deux pitances de cheval.