Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/73

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ramenait le mouvement et le bruit dans la maison naguère si tranquille. Les gens allèrent et vinrent, l’écurie hennit, le chenil hurla.

L’instant d’après il serrait sa femme et son fils dans ses bras, et Dieu sait qu’il les baisait de bon cœur à ces heures du retour. Maître Pol adorait sa maison ; seulement, le besoin de courir et de voir du nouveau le reprenait le lendemain.

« Que tu es belle, mon Éliane ! disait-il, et comme notre Renaud grandit à vue d’œil ! Ne puis-je donc revenir une seule fois de voyage sans te trouver embellie ! »

Elle lui rendait ses caresses en souriant, et ses yeux humides brillaient.

« Tu ne sais pas, reprit-il tout à coup, en s’asseyant près d’elle, la nuit dernière, j’ai fait un rêve…, et comme ce rêve me rendait heureux ! Je songeais que nous étions tous deux dans ce jardin si cher, le clos Pardaillan, à Paris, entre l’hôtel Mercœur et le couvent des Capucines. Te souviens-tu : c’est là que pour la première fois tu me dis : Je vous aime !

— Si je m’en souviens ! balbutia Éliane dans un baiser.

— Nous allions sous la grande allée de tilleuls, et tu me souriais, comme à présent… et ton regard descendait jusqu’au fond de mon âme. Soudain, tu m’as montré un épais buisson tout chargé de roses, et tu m’as dit tous bas : elle est là !

— Qui, elle ? » demanda la jeune femme, dont le front s’empourpra.

Et, pour entendre la réponse à cette question, elle cacha son visage dans le sein de son mari.

La réponse de maître Pol fut ainsi :

« Elle ! répéta-t-il, mon souhait, mon désir, ma folie, la fille de ma femme, la sœur de mon fils ; ma petite Éliane idolâtrée… et tu ne mentais pas : j’écartai les branches du buisson, et je vis un doux ange rose qui me souriait parmi les fleurs. »