Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/193

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En marchant, il pensa tout haut :

— Je n’avais pas besoin de ce signal. J’ai conscience du péril qui m’entoure, et cette voix que j’entends en moi ne m’a jamais trompé. Pourquoi suis-je ici ? Parce qu’elle y est. Lâche ! lâche et fou !

Au tournant du mur qui enfermait le jardin de Vendôme, c’était déjà presque la campagne. La ruelle suivie par le More donnait sur des marais coupés par le prolongement du chemin des Porcherons. Il n’y avait peut-être pas dans Paris un lieu plus retiré que celui-là.

À droite du chemin, une butte à pente douce allait rejoindre l’enceinte de la ville ; il y croissait des broussailles et quelques arbres rabougris.

Le More, en sortant de la ruelle, entendit un cliquetis d’épées. À vingt pas de lui, maître Roger, page de Vendôme, et le chevalier Gaëtan, se battaient du meilleur de leur cœur. Roger avait été chercher Gaëtan, et l’explication n’avait pas été longue. Je penche à croire même qu’il n’y avait pas eu d’explication. Roger était jaloux, et, en vérité, les motifs ne lui manquaient point pour cela, car, depuis du temps, Mélise se laissait approcher de bien près par le chevalier. D’un autre côté, le chevalier avait rencontré maintes fois Roger rôdant autour du clos Pardaillan. Le clos Pardaillan était pour lui rempli par Pola. Il s’était souvent irrité de la présence de Roger.

Roger, si on lui eût fait des questions, n’aurait point eu de motifs pour se taire. C’était un sans-gêne et un étourdi qui avait roulé le monde, gagnant son pain de son mieux et profitant de la