Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/225

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l’une sur l’autre en rendant un clair grincement. Les deux combattants n’avaient point cessé de rire.

— Ah ça ! dit Gaëtan, vous êtes donc un enragé ?

— Vous avez donc le diable au corps ? répliqua le page… à vous !

— Merci ; à vous !

— Touché ! On est bien ici, parbleu ! c’est haut et large !

— Et je ne pense pas que le seigneur don Estéban quitte la Bastille pour venir nous déranger !

Ils se turent parce que le jeu devenait sérieux. La partie se reprenait, en vérité, juste au point où ils l’avaient laissée huit jours auparavant derrière l’hôtel de Vendôme. Ils étaient tous les deux jeunes, ardents, rompus aux finesses de l’escrime, et follement braves. Les passes se succédaient avec une rapidité prestigieuse, tandis que leurs pieds impatients battaient le plancher taché déjà de quelques gouttes de sang.

Tout à coup un bâillement sonore et prolongé se fit entendre derrière les rideaux de serge brune.

Puis le vieux lit craqua de fond en comble et une voix endormie gronda :

— Mort de moi ! qu’est-ce que c’est que tout ce tapage ?

— L’aïeul ! murmurèrent ensemble Gaëtan et Roger, qui baissèrent leurs épées en pâlissant un peu.

En ce temps-là le premier mouvement de surprise pouvait bien être à la superstition.