Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/227

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— Vous avez fait diligence, je ne vous attendais pas avant demain matin.

— Et comment se peut-il ?… commença Gaëtan.

— La Bastille ? l’interrompit le More, dont la belle figure souriait paternellement. Il faut serrer bien fort quand on veut me tenir. J’avais prévenu MM. les mousquetaires que j’avais douze lieues à faire cette nuit-là. Ils n’ont pas voulu me croire, et se sont un peu moqués de moi. Tel que vous me voyez, je me suis échappé une fois d’une galère turque, mouillée à six lieues du rivage.

J’avais les fers aux pieds et aux mains et j’étais gardé à vue. Vous sentez bien que MM. les mousquetaires n’y ont vu que du feu. Je leur ai souhaité le bonsoir aux environs du marché Saint-Jean, dans ces ruelles perdues où Satan ne reconnaîtrait pas son chemin. J’avais un peu brusqué mes deux voisins, M. de Breteuil et M. de la Fargefond, mais j’espère qu’ils n’en mourront ni l’un ni l’autre… à l’angle de la rue Jean-Pain-Mollet, je me suis accroché à un balcon d’où j’ai gagné une corniche, et j’étais là, les jambes pendantes, à les regarder me chercher. Vers onze heures de nuit, ils ont vidé le quartier en jurant comme des bienheureux, et j’ai quitté ma retraite. Ne pouvant passer par les portes où j’étais signalé, j’ai enjambé le mur d’enceinte, pas bien loin de l’endroit où j’ai gêné déjà votre premier rendez-vous, et j’ai gagné un bouquet de bois où j’avais laissé Keïs, mon bon cheval. Je l’ai sifflé, il est venu, et quand le jour s’est levé, à quatre heures de là, j’étais entre Melun et Fontainebleau, ayant fait