Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/23

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marchand de mort aux rats, Mathieu Barnabi, et le roi des hypocrites, le sieur Renaud de Saint-Venant. Madame la comtesse vous a parlé de danger dans sa lettre, il ne faut point que la jeune demoiselle sache cela. Voyons, n’ai-je rien oublié ? Non, j’ai tout dit. Serviteur.

Il voulut tirer sa révérence, la bonne dame le saisit par le bras ; elle l’eût aussi bien pris aux cheveux :

— Ah çà, mon brave soudard ! s’écria-t-elle n’allez-vous point m’expliquer un peu ce qui se passe dans cette maison-là ?

Mitraille se frappa le front.

— Je savais bien que j’oubliais quelque chose ! grommela-t-il ; la jeune fille ne doit ni sortir ni être vue par les gens du dehors. Quant à ce que vous me demandez, respectable dame, je suis plus pauvre que Job, mais je trouverais bien encore une pistole ou deux à donner à qui voudrait me fournir à moi-même une explication raisonnable.

Il se dégagea et s’en alla.

Deux mois s’étaient écoulés. On n’avait point reçu de nouvelles de la comtesse Éliane. La béguine avait repris peu à peu ses habitudes.

Notre belle petite Pola était un peu plus pâle que lors de son arrivée. Son rire était un peu moins fréquent, surtout moins éclatant, et parfois elle restait de longues heures, pensive, sur ce banc du clos Pardaillan où son père et sa mère avaient échangé les premières paroles d’amour, autrefois.

Elle ne sortait point. Elle ne voyait personne,