Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/22

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tion exprimaient ce genre de tristesse que l’habitude unit et aplati en quelque sorte.

Évidemment, Pola était faite à ce soupir et à cette parole.

Elle dit, comme on mentionne la circonstance la plus simple du monde, qu’elle n’avait jamais vu son père éveillé. Deux ou trois fois, sur ses instances enfantines, la comtesse avait entr’ouvert pour elle la porte de la chambre mystérieuse : la chambre tendue de noir.

Elle avait vu alors un homme endormi dans un des deux lits que contenait l’alcôve. Cet homme avait un voile sur le visage.

Elle lui avait envoyé un baiser en répétant cette plainte qui arrivait à être banale : « Pauvre père ! »

Pola ne s’étonnait de rien, parce qu’elle n’avait jamais vu les choses autrement. Elle acceptait comme parole d’évangile l’explication donnée. Son père ne pouvait pas voir de figures étrangères, cela sous peine de mort. Elle avait entendu répéter ces mots depuis sa plus petite enfance. Elle y croyait fermement.

La maladie de son père était ainsi. Cela lui semblait évident comme sa propre existence.

Sur la question de savoir pourquoi elle était venue à Paris, Pola répondit : Je n’en sais rien ; ma mère l’a voulu, et moi, j’ai été bien contente.

Le lendemain de son arrivée, ce coquin de Mitraille, habillé presque décemment, se présenta chez dame Honorée et lui dit :

— Tout est toujours de même au château de Pardaillan. M. le comte ne veut voir que son