Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/237

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lien qui nous unit c’est votre amour pour cette chère créature, la fille de Guezevern : Pola de Pardaillan. Ne m’interrogez plus, je vais tout vous dire, du moins tout ce qui peut être dit. Roger, je fus l’ami de votre père, et, pendant bien longtemps, son seul ami. Nous avons souffert et combattu ensemble. Écoutez avec calme, car ceci est la vérité. Ceux qui accusent votre mère — elle est votre mère — d’avoir assassiné son mari, sont des menteurs. Pol de Guezevern n’est pas mort.

— Oh ! soyez béni !… s’écria le page. Et que Dieu…

— Attendez, l’interrompit le More, avant de remercier Dieu. Ceux qui accusent votre mère ne sont pas les seuls à mentir. Votre mère ment.

— Ma mère, répéta Roger, en portant la main à son épée.

— Bien, frère ! dit Gaëtan.

— Votre mère, continua le More, ment aussi et ment depuis quinze ans. Pol de Guezevern n’est jamais entré dans cette chambre mystérieuse qui passe pour abriter sa folie incurable. Voilà deux semaines, Pol de Guezevern ne savait pas qu’il avait une fille ; il ignorait avoir perdu un fils, et à la première notion qu’il a eue de l’existence de Pola, il a crut à une trahison adultère.

— Mais où est-il ? interrompit encore Roger, incapable de se contenir.

— Enfant, répliqua péniblement le More, quand on a aimé de tout son cœur, quand on a souffert longtemps et cruellement, on est faible contre les conseils de la vengeance. Pendant les heures de