Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/238

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la lutte, pendant les longs jours de la captivité, Pol de Guezevern était soutenu par une seule pensée. Et si le courage l’abandonna parfois dans ses lointaines traverses, c’est qu’il avait emporté avec lui un doute, une douleur. Un faux ami lui avait inspiré des soupçons contre sa femme avant même la catastrophe qui l’éloigna de sa patrie. Pol de Guezevern avait laissé sa femme pauvre, plus que pauvre, et cette ruine était son ouvrage à lui. Quand il est revenu, il a cherché sa femme pauvre pour lui rendre le repos et le bonheur, conquis au prix d’un terrible martyre. Il a retrouvé sa femme riche, et non pas veuve, quoiqu’elle eût appris (il savait cela) la nouvelle de sa mort, mais puissante, mais liguée avec ses ennemis, mais engagée dans une intrigue de cour et se parant de je ne sais quel héroïsme conjugal, qui était une effrontée comédie.

— Pol de Guezevern, en ce premier moment, a jugé sa femme et l’a condamnée.

Avant de frapper, cependant, sa main a tremblé, car cette haine nouvelle n’était que l’envers d’un grand amour.

Il a revu celle qui fut l’adoration de sa jeunesse ; il l’a revue toujours belle et portant sur son front doux et fier l’auréole angélique.

Pol de Guezevern a senti que cette femme était encore son cœur. Il a manqué de courage, il a fui, et il a dit à celui qui est un autre lui-même :

— Reste et sois son juge.

Cet autre, c’est moi, mes jeunes maîtres, et il est temps de vous dire qui je suis. Dans vos armées, il y a des fraternités qui se nouent ; on