Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/241

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Le page hésita.

— Seigneur Estéban, dit-il enfin, mon père a-t-il pardonné à ma mère ?

— Non, répondit le More.

Roger baissa la tête. Le More poursuivit :

— Ton père me maudirait, enfant, si j’essayais de t’attirer, à lui, transfuge de la cause de ta mère !

— Voilà qui est bien dit, seigneur ! s’écria Gaëtan. Vous êtes un gentilhomme !

— Je suis un homme ! rectifia Estéban avec une sévère emphase.

Puis, s’adressant à Roger, il poursuivit encore :

— Ton père ne veut point pardonner.

Roger était si pâle que Gaëtan se leva pour le soutenir.

— Dieu m’est témoin, murmurait-il, que je donnerais tout mon sang pour ma mère… mais j’aime mon père.

La voix du More se fit plus émue.

— Moi, je me souviens de ma mère, dit-il, comme s’il se fût adressé à lui-même. Je l’aurais défendue contre tous. Oui ! et contre Dieu ! Renaud de Guezevern ! reprit-il en regardant le page, qui tressaillit violemment à ce nom, votre mère vous adorait autrefois. Que sa conduite soit héroïque ou coupable, tout ce qu’elle a fait, elle a dû le faire pour vous. Voulez-vous être son avocat auprès de votre père ?

— Oui, de tout mon cœur et de toute mon âme ! s’écria Roger.

— Levez-vous donc et venez ! dit le More en quittant son siège. Vous m’avez entendu : votre père ne veut point pardonner.