Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/240

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Nous étions aux fers pour tentative d’évasion. Mais, depuis deux semaines, les heures accordées à mon sommeil s’étaient dépensées à limer nos chaînes, celles de Pol d’abord, puis les miennes. Avant le lever du jour nous nagions, ensemble toujours, vers le rivage. Ensemble nous avons traversé l’Afrique, ensemble nous avons franchi le détroit de Gibraltar, puis coupé toute la profondeur de l’Espagne, avant de parcourir les trois quarts de la France, de Bayonne à Paris.

Sur la route de Bayonne à Paris, le château de Pardaillan se trouve. Mais Pol de Guezevern ne savait pas encore qu’Éliane était la comtesse de Pardaillan.

À Paris… Mais je vous ai déjà dit le reste. Pol de Guezevern m’a investi de son autorité. Roger, pour toi son fils ; Gaëtan, pour vous qui aimez sa fille, je suis Pol de Guezevern.

Les deux jeunes gens l’écoutèrent encore après qu’il eut fini de parler. Il y avait dans son accent une autorité qui forçait la confiance.

Depuis longtemps déjà, le beffroi avait laissé tomber les douze coups de minuit. L’auberge dormait. La campagne solitaire faisait silence. Le ciel, un instant purifié, recommençait à se couvrir de grands nuages, qui nageaient dans le bleu comme d’immenses navires et passaient avec lenteur sur le disque de la lune.

— Que voulez-vous de nous ? demanda brusquement Gaëtan ; moi, je suis ici pour la comtesse Éliane. Le More sourit en regardant Roger.

— Et toi, murmura-t-il, tu ne me demandes pas : que voulez-vous de moi ?