Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/267

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— Oui, dit-elle, vous avez parlé clairement. J’ai péché, puisque Dieu a commandé de ne point mentir. J’ai gardé mon mari mort dans son lit, comme je gardais son souvenir vivant dans mon cœur, mais j’ai menti. Quel marché venez-vous me proposer ?

Le conseiller Renaud de Saint-Venant tressaillit en ce moment, et tourna la tête avec vivacité vers la cloison qui séparait l’oratoire de la chambre en deuil.

— J’ai entendu du bruit, murmura-t-il.

Éliane sourit doucement.

— Les morts sont immobiles, dit-elle, et ne parlent point. Nul ne peut entrer dans la retraite où j’ai enseveli mon secret. Nul, jusqu’à demain !

Le conseiller prêta l’oreille un instant encore. On n’entendait plus rien. Il reprit avec un reste de défiance :

— Puisque j’ai bien pénétré jusqu’ici, M. de Gondrin pourrait faire de même, et il est le plus fort.

— N’êtes-vous point ici dans ses intérêts ? demanda Éliane amèrement.

— Non, répondit Saint-Venant de sa voix la plus mielleuse, je suis ici dans les vôtres, respectée dame. Ah ! si vous aviez eu confiance en moi ! Et je suis ici dans mes intérêts, aussi, un peu.

La comtesse laissa échapper un geste de profonde fatigue et prononça tout bas :

— Cet ordre de la reine, l’avez-vous ? Quel est-il ? combien voulez-vous me le vendre ?

Le conseiller prit alors seulement le siège qu’on lui avait offert, et ce ne fut point sans lan-