Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/277

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— Comment ! s’écria le conseiller, demandez-vous à réfléchir à cette heure ?

Elle se découvrit le visage et Renaud recula devant son regard.

— Je ne demande pas à réfléchir, prononça-t-elle avec lenteur. Je vous refuse la main de ma fille, aujourd’hui comme hier, et je ne veux pas vous livrer mon fils.

— Ah ! ah ! fit le conseiller, qui se mit sur ses pieds, c’est la guerre alors ! Vous êtes brave, ma noble dame ! vous allez affronter la justice dans cette chambre où abondent si bien les preuves de votre mensonge… de votre crime ! vous allez paraître devant vos juges sans défense, sans excuse, sans espoir !

— Sans espoir ! répéta Éliane d’une voix morne. Car je n’espère plus même en Dieu ! J’ai péché, il faut que je sois punie. Je vois cela clairement par la folie de ma propre conduite. Si, tout à l’heure, j’avais gardé mon fils près de moi, si j’avais caché mon fils derrière une de ces draperies… Vous tressaillez… j’étais sauvée : il est brave comme un lion, aussi brave que vous êtes lâche ; il vous eût arraché cet ordre avec la vie… car vous avez mérité de mourir, Renaud de Saint-Venant, et à cette heure suprême où l’âme se détache des choses de ce monde, je vous le dis : vous ne jouirez pas longtemps du fruit de votre infamie.

— C’est affaire entre la Providence et moi, belle dame, répondit le conseiller en ricanant : j’aime mieux, à cette heure, la main de la Providence que l’épée de mon cher filleul. Une fois, deux fois, est-ce votre dernier mot ?… trois fois…