Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/310

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Elle s’efforça, acharnée à sa tâche, soufflant, sifflant et pleurant des larmes sanglantes. La ferrure lourde et dure résista longtemps. Au moment où elle cédait, la porte extérieure s’ouvrit à deux battants, laissant voir l’imposant appareil du tribunal d’enquête, dont les membres se groupaient sur le seuil, autour du président à mortier du parlement de Grenoble.

Éliane se laissa choir contre la muraille, vaincue et comme écrasée. Son œil troublé vit tout un horizon de têtes solennelles derrière lesquelles flottaient des panaches. Il n’était plus temps de se réfugier dans la mort. Dieu impitoyable n’avait pas voulu. Les pauvres beaux yeux de la comtesse se fermèrent, tandis que sa poitrine exhalait un dernier gémissement.

Il se fit un mouvement dans la majestueuse foule, conseillers, juges, sénéchaux, baillifs, gruyers, prévôts et gens du roi qui ouvrirent leurs rangs pour donner passage à M. le baron de Gondrin-Montespan emplumé, lui tout seul, autant que les quatre coins d’un dais, doré, brodé, frangé, pomponné et si beau que, pour le regarder, Catou Chailhou mettait ses deux mains au-devant de ses yeux, comme s’il eût été le soleil. Il était escorté par le doux Renaud de Saint-Venant, orné de son plus tendre sourire, et par le savant médecin Mathieu Barnabi, prêt à opérer toutes les constatations que pouvait réclamer la science.

Les mesures n’étaient pas prises à demi. Tout se faisait richement, et après une enquête semblable la vérité devait luire comme un incendie.