Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/56

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chir ou plutôt rêver, car ses grands yeux se noyaient souvent sous le voile de ses longs cils.

En rêvant il regardait notre chambre comme si chaque pouce de la muraille eût intéressé son rêve. Et, figure-toi, il n’y a rien à regarder dans notre pauvre chambre. Tu ne l’as jamais vue, mais ton père et ta mère la connaissent bien. C’est l’ancien logis de M. le comte de Pardaillan, du temps où il était maître Pol de Guezevern, page de M. le duc de Vendôme.

Tout-à-coup le More me dit, sans relever les yeux sur moi :

— Roger est un loyal enfant ; cela vous portera bonheur de l’aimer, ma fille.

Je pense que je devins rouge comme un pavot. J’avais presque envie de le prier qu’il ne se mêlât point de mes affaires. Mais il y a des gens qui vous ferment la bouche : il est de ces gens-là.

Du reste, c’eût été inutile ; il garda le silence désormais, n’ayant plus rien à me dire.

Quand mon père entra, il était à même de raisonner comme il faut, ayant bu abondamment toute la soirée. Il fut étonné et demanda à l’étranger le motif de sa visite.

L’étranger répondit :

— Sur les galères du Turc, où j’ai ramé longtemps comme esclave, j’avais un jeune compagnon qui était Français. Je l’aimais. Nous avions fait un pacte ensemble, chacun de nous promettant à l’autre certaines choses sous la foi du serment. Je viens vers vous capitaine Mitraille, pour accomplir mon devoir.

— Tout à votre service, mon camarade, répli-